{La parenthese enchantee} Shanghai
Des Rencontres
" Dans votre vie vous croiserez deux sortes de gens. Il y aura les
rabat-joie, ceux qui quoi que vous émettiez comme désir vous diront que
ce n’est pas pour vous. Ceux qui prétendront vous connaître mieux que
vous ne vous connaissez vous-même. Ceux-là fuyez les comme la peste,
même si vous les aimez, même s’il affirment vous aimer… Ils vous
inciteront à trahir l’enfant en vous, ils vous tireront vers le bas.
Et puis il y aura les autres, les stimulants, les moteurs, ceux qui vous
écouteront avant de vous parler de vous, ceux qui non seulement
accepteront mais susciteront ce qu’il y a en vous de meilleur, de plus
exigeant, de plus ambitieux… ceux-là recherchez leur compagnie, leur
amitié, leur exemple, même si ce ne sont que des inconnus, ils voient
l’enfant en vous. Ils vous élèveront."
Le manifeste d'un journal en kiosque
Au XXIe siècle...
Nous sommes trop informés pour réfléchir.
Nous subissons les crises sans moyen de réagir.
Nous communiquons plus que nous n'avons à dire.
Nous sommes libre, autonomes et souvent seuls.
Nous vivons le monde sur des écrans, le virtuel gagne sur le réel.
Nous avons levé nos blocages, mais cherchons encore le désir.
Nous sommes affranchis des illusions, des religions, des idéologies, mais nous avons perdu nos repères.
Nous allons de plus en plus vite, mais ou ?
Au XXIe siècle, il est urgent de retrouver du sens.
(Serge - Exhausted in Tokyo, looking forward to flying to Bali, nov. 2004)
{La parenthese enchantee} : Shibuya, 24/10/2004
L'enfant est-il une valeur refuge ?
Faut-il désacraliser l'enfance ? La psychanalyste Claude Halmos nous explique pourquoi, en idéalisant cette étape de la vie, on finit par freiner l’épanouissement de nos chérubins. (Source : un (bon) magazine de presse féminine, chez le coiffeur)
E. : On les désire, on les choie, on les gate... Il semble qu'on s'est rarement autant occupe des enfants qu'aujourd'hui.
Claude Halmos : Oui, mais on s'en occupe d'une façon qui mérite d’être remise en question. Le statut de l'enfant a changé. De nos jours il est considéré comme une personne et les parents n'ont plus de repères. Nombre d'entre eux semblent terrorisés à l’idée de les faire souffrir. Cela pourrait passer pour du respect. Mais ça n'en est pas. Parce que, sans que les parents s'en rendent compte, cet enfant n'est pas pour eux une personne à part entière (avec ce que cela suppose de droits mais aussi de devoirs). C'est une sorte de personnage fétichisé, sacralisé, face auquel ils ne savent pas comment se conduire et cela les angoisse. Et il y a une vision de plus en plus prégnante de l'enfance conçue comme un temps protégé et précieux dont l'enfant devrait bénéficier le plus longtemps possible. Les parents projettent sur lui leur vision d'une enfance idéalisée, d'une sorte de paradis vert qu'il faudrait quitter le plus tard possible. ("il a bien le temps, il est encore petit...").
E. : Ça fait tout de même un certain temps qu'on parle de l'enfant comme une petite merveille et de l'enfance comme un paradis...
C. H. : Oui, ce n'est pas nouveau. Freud dit d'ailleurs que pour vivre, l'adulte doit renoncer à la toute-puissance de sa petite enfance, mais qu'il ne l'abandonne jamais vraiment tout à fait. Et que, des qu'il devient parent, il la reporte sur son enfant dont il fait, dit-il, "sa majesté le bébé". Mais ce processus se radicalise et s’accélère. Parce que la vie est de plus en plus dure pour les parents. Pour certaines classes sociales, la situation, du fait du chômage, est dramatique. Mais même pour les autres c'est dur. Surtout, il n'y a plus de sécurité. Tout peut basculer a tout moment. Alors les parents essaient de donner a leurs enfants ce qu'eux mêmes n'ont plus. Ils retardent le moment ou ils devront affronter ce qu'eux même affrontent. Et ils le font d'autant plus que, dans une société ou on peut tout perdre, l'enfant est la seule "possession" qui leur semble encore assurée. D’où cette idée de valeur refuge. Valeur refuge parce que la crise économique ne pourra pas leur prendre. Et valeur refuge parce que les parents peuvent, en se réfugiant dans l'enfance de leur enfant, se protéger un peu de la violence du monde. L'enfance magique qu'ils rêvent de lui donner, c'est en fait celle qu'ils voudraient retrouver (même et surtout s'ils n'en ont pas eu).
E.: Quelles sont les conséquences quand on considère son enfant comme une valeur refuge ?
C.H. : C'est terrible. Le malheur des parents entraine celui des enfants. Parce que l'enfant a besoin d'une enfance pendant laquelle ses parents l'aiment, l'entourent et le protègent. Mais il a surtout besoin que cette enfance soit un temps de construction. C'est a dire un temps de découverte progressive de lui même (de ses capacités) des autres et du monde. Et il ne peut faire ces découvertes (qui sont la source de son épanouissement) que si ses parents l'y invitent , et parfois l'y pousse. Grandir, avancer dans la vie, cela suppose pour l'enfant, d'abandonner, a chaque étape, des choses (le biberon pour la cuillère, le quatre pattes pour la position debout, etc.). L'aider a grandir c'est l'aider a supporter tous ces manques que son développement lui impose. Or aujourd'hui, on voit en consultation de plus en plus d'enfants qui vont mal parce que, par crainte de les faire souffrir, on ne leur donne pas le "coup de pouce" dont ils ont besoin pour avancer. On les lave, on les assiste aux toilettes, on les laisse encore prendre un biberon a 5 ans et plus... Cela finit par les rendre malheureux, mais cela les empêche surtout de se construire. Les éduquer, ce n'est pas leur fabriquer la nursery idéale. C'est les aider a développer en eux toutes les forces dont ils auront besoin pour vivre dans le monde. Le fantasme parental du "paradis de l'enfance" risque de transformer en enfer la vie d'adulte de nombreux enfants. Il faudrait vraiment que les parents l'entendent.
E. : Pourquoi est-ce plus difficile aujourd'hui pour les parents ?
C.H. : La difficulté de concevoir que l’autorité puisse ne pas être répressive. C'est la grande peur des parents : frustrer, réprimer... Il y a le statut de l'enfant qui a change : on sait aujourd'hui que son psychisme est aussi complexe que celui d'un adulte. Des lors, comment se poser, face a lui, en adulte ? Les parents sont pris dans une sorte de vertige : "si je dois le respecter, de quel droit puis-je lui imposer ceci, lui interdire cela ?"
E. : Les enfants comme valeur refuge, cela a des conséquences, mais cela en a-t-il sur le couple, sur la vie de famille ?
C.H. : Bien sur. Parce que l'enfant qui n'a pas assez de limites (et qui n'est jamais heureux) rend souvent la vie impossible a toute la famille. Tout est prétexte a conflit, sans fin. Et dans une famille ou l'enfant est le centre du monde, la vie de couple est reléguée au second plan. Quand on s'est épuisé a essayer de coucher le bambin, passer a l’érotisme n'est pas chose aisée... surtout s'il a transforme la chambre parentale en salle de jeux !
E. : Pensez-vous que cette façon de considérer les enfants soit commune aux hommes et aux femmes ?
C.H. : Je ne crois pas qu'il y ait de différence notables dans la maniere de concevoir l'enfant, mais dans la mesure ou les femmes ont, pour l'essentiel, la charge des enfants, elles paient le prix fort de cette theorie qui accroit leur culpabilite, leur crainte de ne jamais en faire assez.
E. : Et la société, considère-t-elle aussi les enfants comme une valeur refuge ?
C.H. : Il y a aujourd'hui un décalage frappant entre la façon dont la société traite les enfants et ce que ces mêmes enfants représentent pour leurs parents. La société les traite de plus en plus mal. Dans les crèches, les écoles, les collèges, on réduit le personnel. Et on réduit par la même la place du dialogue, de l’éducation, de la prévention. Des lors, il arrive de plus en plus souvent que les adolescents commettent des actes violents que l'on aurait très bien pu éviter si on avait su écouter leur détresse. Or, non seulement on ne se donne pas les moyen de le faire, mais quand l'acte a eu lieu, on l'utilise pour justifier l'arsenal répressif. On parle par exemple d'installer des portiques pour détecter les armes a l’entrée des établissements scolaires. Et cela va dans le même sens que le dépistage des supposes futurs délinquants, que l’évolution de la justice des mineurs, qui prône désormais la répression plutôt que l’éducation. Ce qui est grave, c'est que cela pousse le public a penser que les enfants sont mauvais, dangereux, et qu'il faudrait s'en protéger. Et l'on ne s'en rend pas assez compte. Parce que la sacralisation de l'enfant masque cette réalité la. Le rêve parental du paradis de l'enfance est un rêve dangereux. Comme le sont toujours les rêves quand ils détournent la réalité.
{Ce moment}
Un rituel du vendredi. Une seule photo, sans parole. Capturer un moment de la semaine. Un moment simple, special, extraordinaire. Un moment qu'on veut garder, savourer et se rappeler. Si ca vous inspire de faire de meme, laissez un lien de votre 'moment' dans les commentaires. Bon vendredi !
{Lovely idea inspired by SouleMama}