Lettre ouverte aux dirigeants du G20 (publiée originellement en Anglais le 24/03/2009 dans l’édition mondiale du Financial Times)
Mesdames, Messieurs,
Il vous reste moins
d’un semestre pour éviter que la planète s’enfonce dans une crise dont
elle mettra plus d’une décennie à sortir, avec un terrible cortège de
malheurs et de souffrance. Cette lettre ouverte de LEAP/E2020, qui dès
Février 2006 avait annoncé l’imminence d’une « crise systémique
globale », veut tenter de vous indiquer brièvement pourquoi il en est
ainsi, et comment éviter cela.
En effet, si vous
avez commencé à soupçonner l’ampleur de la crise il y a moins d’un an,
c’est dès Février 2006, dans la 2° édition de son « Global Europe
Anticipation Bulletin » (GEAB), que LEAP/E2020 avait annoncé que le
monde entrait dans la « phase de déclenchement » d’une crise d’ampleur
historique. Et depuis cette date, LEAP/E2020 a continué, chaque mois, à
anticiper d’une manière très fiable les évolutions de la crise dans
laquelle le monde entier se débat désormais. Ce qui nous conduit à vous
écrire cette lettre ouverte dont nous espérons qu’elle éclairera vos
choix dans quelques jours.
Et cette crise s’aggrave
dangereusement. Récemment, à l’occasion de la 32° édition de son
bulletin, LEAP/E2020 a ainsi lancé une alerte très importante qui vous
concerne directement, vous les dirigeants du G20 : si, réunis à Londres
le 2 Avril prochain, vous n’êtes pas capables d’adopter des décisions
audacieuses et innovantes en vous concentrant sur l’essentiel, et
d’entamer leur mise en oeuvre d’ici l’été 2009, alors la crise entrera
à la fin de cette année dans la phase de « dislocation géopolitique
généralisée » qui affectera tout autant le système international que la
structure même des grandes entités politiques comme les Etats-Unis, la
Russie, la Chine ou l’UE. Et vous ne contrôlerez alors plus rien pour
le malheur des six milliards d’habitants de notre planète.
Votre choix : une crise de 3 à 5 ans ou un crise de plus d’une décennie ?
Hélas,
comme rien ne vous a préparé à affronter une crise d’une telle ampleur
historique, jusqu’à présent, vous ne vous êtes occupés que des
symptômes ou des causes secondaires. Vous avez pensé qu’il suffisait
d’ajouter de l’essence ou de l’huile au moteur mondial, sans vous
rendre compte qu’il était tout simplement cassé, sans espoir de
réparation. C’est un nouveau moteur qu’il faut construire. Et le temps
presse car chaque mois qui passe détériore un peu plus l’ensemble du
système international.
Comme dans toute crise
majeure, il faut aller à l’essentiel. Comme dans toute crise de
dimension historique, le seul choix est entre entreprendre au plus vite
des changements radicaux et raccourcir considérablement la durée de la
crise et ses conséquences tragiques ; ou au contraire refuser les
changements radicaux en tentant de sauvegarder l’existant, pour ne
réussir qu’à prolonger durablement la crise et accroître toutes ses
conséquences négatives. A Londres, le 2 Avril prochain, vous aurez
ainsi le choix entre résoudre la crise en 3 à 5 ans d’une manière
organisée ; ou bien au contraire, entraîner la planète dans une
décennie terrible.
Nous nous bornerons donc ici à
mettre en avant trois conseils que nous considérons comme stratégiques,
c’est-à-dire, que pour LEAP/E2020, s’ils ne sont pas mis en oeuvre
d’ici l’été 2009, la dislocation géopolitique mondiale deviendra
inévitable à partir de la fin de cette année.
LES 3 CONSEILS DE LEAP
1. La clé de la crise, c’est la création d’une nouvelle devise internationale de référence !
Le
premier conseil se résume à une idée très simple : la clé de la crise
actuelle se trouve dans la réforme du système monétaire international
hérité de l’après-1945 afin de créer une nouvelle devise internationale
de référence. Le Dollar américain et l’économie des Etats-Unis ne sont
plus en mesure d’être les piliers de l’ordre économique, financier et
monétaire mondial. Tant que ce problème stratégique n’est pas abordé
directement, puis traité, la crise s’approfondira car il est au coeur
des crises des produits financiers dérivés, des banques, des prix de
l’énergie, … et de leurs conséquences en terme de chômage massif et de
baisses des niveaux de vie. Il est donc vital que cette question soit
l’objet principal du Sommet du G20 de Londres et que les premiers
éléments de solution y soient lancés. La solution à ce problème est
d’ailleurs bien connue : il s’agit de créer une devise de référence
internationale (qu’on pourrait appeler le « Global ») fondée sur un
panier de monnaies correspondant aux principales économies de la
planète, à savoir le Dollar US, l’Euro, le Yen, le Yuan, le Khaleel
(monnaie commune des etats pétroliers du Golfe qui sera lancée au 1°
Janvier 2010), le Rouble, le Real, … . et de faire gérer cette devise
par un « Institut Monétaire Mondial », dont le Conseil d’
Administration reflète les poids respectifs des monnaies composant le
« Global ». Vous devez demander au FMI et aux banques centrales
concernées de préparer un tel plan pour Juin 2009 avec objectif de mise
en oeuvre au 1° Janvier 2010. C’est votre seul moyen de reprendre
l’initiative sur le temps de déroulement de la crise. Et c’est le seul
moyen de concrétiser la mise en oeuvre d’une globalisation partagée, en
en partageant la monnaie qui est au coeur de toute activité économique
et financière.
Selon LEAP/E2020, si une telle
alternative au système actuel en plein effondrement n’a pas commencé à
être préparée d’ici l’été 2009, démontrant qu’il existe une autre voie
que le « chacun pour soi », le système monétaire international actuel
ne passera pas l’été.
Et si certains Etats du G20
pensent qu’il vaut mieux garder le plus longtemps les privilèges que
leur procure le statu quo, ils devraient méditer sur le fait
qu’aujourd’hui ils peuvent encore influencer de manière décisive la
forme que prendra ce nouveau système monétaire mondial. Une fois la
phase de dislocation géopolitique entamée, ils perdront au contraire
toute aptitude à le faire.
2. Contrôlez l’ensemble des banques au plus vite !
Le
second conseil est déjà largement évoqué dans les discussions
préalables à votre réunion. Il devrait être donc aisé de l’adopter. Il
s’agit de mettre en place d’ici la fin 2009 un système de contrôle des
banques à l’échelle mondiale qui supprime tout « trou noir ». Plusieurs
options vous sont déjà proposées par les experts. Tranchez dès
maintenant. Nationalisez au plus vite quand il le faut ! C’est en tout
cas le seul moyen de prévenir un nouvel endettement massif des
établissements financiers comme celui qui a contribué à la crise
actuelle ; et de montrer aux opinions publiques que vous êtes crédibles
face aux banquiers.
3. Faites évaluer au plus vite par le FMI les systèmes financiers US, britannique et suisse !
Le
troisième conseil touche à nouveau une question très sensible
politiquement qui pourtant est incontournable. Il est indispensable que
le FMI remette au G20, au plus tard, en Juillet 2009, une évaluation
indépendante des trois systèmes financiers nationaux au coeur de la
crise financière : ceux des Etats-Unis, du Royaume-Uni et de la Suisse.
Aucune solution durable ne pourra en effet être efficacement mise en
oeuvre tant que personne n’a la moindre idée des ravages causés par la
crise dans ces trois piliers du système financier mondial. Et il n’est
plus temps de « prendre des gants » avec des pays qui sont au coeur du
chaos financier actuel.
Ecrivez un communiqué simple et bref !
Pour
terminer, nous nous permettrons seulement de rappeler que vous avez
désormais à restaurer la confiance chez 6 milliards de personnes, et
des dizaines de millions d’institutions publiques et privées. Alors,
n’oubliez pas de rédiger un communiqué court, qui ne fasse pas plus de
deux pages, qui ne contienne pas plus de trois ou quatre idées
centrales et qui soit lisible par des non-experts. Sinon, vous ne serez
pas lu hors du cercle étroit des spécialistes et vous ne pourrez donc
pas ressusciter la confiance du plus grand nombre condamnant ainsi la
crise à s’aggraver.
Si cette lettre ouverte vous
aide à sentir que l’Histoire vous jugera pour ce que vous aurez réussi
à faire ou pas lors de ce Sommet, alors elle n’aura pas été inutile.
Sachez simplement, que selon LEAP/E2020, vos peuples respectifs
n’attendront pas plus d’une année pour vous juger. Une chose est
néanmoins certaine : cette fois-ci vous ne pourrez pas dire que vous
n’avez pas été prévenu !
Source: www.agoravox.fr ; www.europe2020.org